Quelle gestion de projet pour les professionnels du droit ?

Publié sur LinkedIn le 22 mai 2020

Les juristes d’entreprise et les avocats sont nombreux à vouloir se mettre à la gestion de projet. Le « legal project management » est à la mode. L’idée de travailler de manière plus structurée et plus efficace et de mener à bien les projets dans les délais et dans les budgets est en effet alléchante. Mais la méthode connue sous le nom de « gestion de projet “ est-elle à la hauteur des espérances que l’on met en elle ?

Traditionnellement, la gestion de projet procède en quatre étapes qui se succèdent de manière linéaire : initiation (le projet est décidé et validé), planification (on détermine dans les détails qui va faire quoi, quand et avec quel budget), exécution (conformément au planning), et enfin clôture du projet.

Cette méthode traditionnelle convient pour les projets dont le déroulement est prévisible et dans lesquels on a la maîtrise de son emploi du temps. Mais il faut bien constater que, tant pour les avocats que pour les juristes d’entreprise, cette prévisibilité et cette maîtrise sont plutôt l’exception que la règle. Dans la plupart des cas, le scénario est indécis, incertain, et imprévisible, et change en cours de route : comment savoir à l’avance comment va se dérouler une négociation ? Un litige ? Une transaction M&A ? Tout dépend de la manière dont la partie adverse va se comporter, facteur sur lequel on n’a guère de contrôle. Parfois, c’est le comportement de son propre client qui est imprévisible : va-t-il réagir rapidement aux demandes d’information ou mettre deux mois pour répondre ? 

En outre, ni le juriste ni l’avocat ne maîtrisent parfaitement leur emploi du temps : pour une part importante, leur vie professionnelle ressemble plutôt à une suite d’interruptions à traiter dans l’urgence qui bouleverseconstamment les priorités et rend caduque la liste quotidienne des tâches à réaliser. Ils doivent en plus partager leur temps entre une myriade de projets concurrents dans un exercice constant d’équilibriste.

Pour toutes ces raisons, l’idée de planifier au démarrage tout le déroulement d’un projet apparaît dans bien des cas comme illusoire. Or, c’est précisément cela qu'il s'agit de faire dans la gestion de projet traditionnelle. Celle-ci reste donc pertinente pour la partie du travail qui peut être planifiée, mais que faire avec le reste : les projets complexes au déroulement imprévisible et incertain, à mener à bien tout en étant bombardé d’imprévus ? Est-on condamné à agir de manière anarchique et chaotique, en renonçant à organiser et à structurer son travail, en sautant d’un email à l’autre, d’une urgence à l’autre, en parant au plus pressé et en encadrant l’écran de son ordinateur d’une guirlande de post-it ? 

Heureusement, il existe d’autres méthodes qui permettent de travailler et de mener à bien les projets de manière structurée, mais sans passer par une planification détaillée.  C’est l’objet du mouvement Agile, lancé en 2001 dans le domaine du développement de nouveaux logiciels, mais dont le champ d’application ne cesse de s’étendre depuis. Cette manière différente de penser la gestion de projet (« agile project management ») est une source d’inspiration particulièrement utile pour les professionnels du droit, car elle correspond exactement aux conditions dans lesquelles ceux-ci doivent mener à bien la plupart de leurs projets. Il y est question de théorie de la contrainte, de tableau Kanban, de sprints, de méthode itérative, et de bien d’autres choses encore. Pour les professionnels du droit, la gestion de projet passe désormais nécessairement par là.

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